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« Vers une économie de l’alliance » : passer de l’échange au partage

L’« oikonomia » désigne notre façon de construire et de gérer notre « maison » et, par extension, la vision qui nous anime pour bâtir notre monde. De son choix dépendent notre modèle de société et notre rapport à autrui (altérité ou repli). Au vu des enjeux qui nous font face (en particulier sur le plan écologique), il y a aujourd’hui urgence à faire évoluer cette « oikonomia ». Tel est le constat dressé par Philippe Lukacs, professeur de management de l’innovation à Centrale Paris, dans son ouvrage Vers une économie de l’alliance (Erès).
Pour appuyer sa thèse, l’auteur présente dans un premier temps la logique qui est aujourd’hui à l’œuvre dans nos sociétés. Elle repose sur le principe de « réification » (du latin res qui signifie « chose »). Cette « économie de l’échange » dessine un « monde où tout est transformé en “choses” : les hommes, les relations entre les hommes, les relations à l’environnement ». Dans cette société déshumanisée, tout n’est évalué qu’à l’aune de la valeur marchande prise dans l’échange. Cette logique pénètre bien évidemment le monde de l’entreprise où « la tyrannie du reporting trimestriel » règne, et où « la réalité est aplatie par les chiffres ».
De même, cette logique du « marchand absolu », selon les termes de l’ethnologue Robert Jaulin (1928-1996), n’a pour unique but que l’accroissement de son avoir. Une fuite en avant, à contresens des impératifs contemporains : « Il est clairement impossible de continuer à bâtir notre monde social selon une logique qui renforce notre tendance naturelle au refus des limites, alors qu’il est devenu vital d’agir dans un cadre imposé par les limites de la nature, que nous connaissons désormais. »
Pour faire face aux défis du moment, M. Lukacs esquisse un autre modèle, une autre « oikonomia » : l’« économie de l’alliance ». Elle doit permettre de « passer de l’attention aux biens à l’attention aux liens ». Elle implique des relations de partage qui « considèrent une équivalence de valeur a priori entre soi et l’autre » et à travers lesquelles « quelque chose, parce que partagé, génère du commun pour les protagonistes et s’inscrit dans le collectif ». Cette nouvelle logique doit favoriser la sensibilité commune à l’environnement, au non-chiffrable, au temps long.
Dans le monde du travail, ce sont les démarches d’économie circulaire qui doivent donc être valorisées, de même que les initiatives locales, en circuits courts, favorisant les liens directs entre le consommateur et le producteur. Ce sont, par exemple, les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne dans le secteur de l’alimentation, ou Enercoop dans celui de l’énergie.
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